Par PV-Mag Nous traversons actuellement une phase de transition photovoltaïque, non seulement pour Jinko mais pour l’ensemble du marché photovoltaïque européen. Le développement rapide des capacités photovoltaïques ces dernières années, notamment en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas, a permis des avancées significatives dans la production d’électricité propre. Cependant, cette croissance a révélé des problèmes structurels dans le système énergétique : des capacités de réseau limitées, des règles de marché peu flexibles et un manque d’infrastructures de stockage. Les retards de raccordement au réseau sont devenus une préoccupation majeure pour les développeurs et les entreprises de construction, en particulier dans les régions où la pénétration du solaire est élevée. Parallèlement, les prix négatifs de l’électricité aux heures de forte production solaire deviennent de plus en plus fréquents, non pas comme des incidents isolés mais comme un phénomène récurrent dans des marchés comme l’Allemagne et les Pays-Bas. Cela a un impact direct sur la confiance des investisseurs et ralentit les commandes pour les projets photovoltaïques dépendant des marchés de gros ou des contrats d’achat d’électricité. Cela dit, nous ne considérons pas cela comme un ralentissement du marché mais plutôt comme une phase de réajustement. Les fondamentaux restent solides : la sécurité énergétique, les objectifs de décarbonation et les politiques industrielles continuent de reposer sur l’énergie solaire. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de la prochaine phase de la transition énergétique, avec une intégration à grande échelle du stockage, une modernisation des réseaux et un déploiement de systèmes intelligents de gestion de la demande. Nous estimons que cette période d’ajustement se prolongera jusqu’en 2026, le temps que les cadres réglementaires et les incitations pour les projets hybrides se mettent en place dans l’Union européenne. À partir de 2027, nous prévoyons une forte accélération de l’activité du marché, en particulier pour les projets hybrides et couplés au stockage, ce qui contribuera à stabiliser les prix de l’électricité et à restaurer la confiance des investisseurs.
pv magazine : Les prix négatifs de l’électricité à midi sont-ils désormais courants en Allemagne ? Comment cela affecte-t-il votre activité, et est-ce un avantage de proposer à la fois du photovoltaïque et du stockage ?
Frank Niendorf : Oui, les prix négatifs de l’électricité autour de midi se produisent avec une régularité croissante, non seulement en Allemagne mais aussi dans plusieurs autres pays européens. C’est un signal clair que la transition énergétique entre dans sa deuxième phase : nous avons réussi à déployer un volume important d’énergies renouvelables, mais les infrastructures de réseau et la flexibilité du système n’ont pas encore suivi. En Allemagne, le réseau est souvent surchargé pendant les périodes de forte production solaire et de faible consommation, ce qui entraîne des prix de gros négatifs. Cette tendance exerce une pression sur les modèles de revenus des projets purement photovoltaïques et accroît l’incertitude pour les propriétaires d’actifs. Chez Jinko, nous ne voyons pas cela comme un recul mais comme un moment charnière. Nous sommes dans une position unique car nous proposons à la fois des systèmes photovoltaïques et de stockage. Cela nous permet d’offrir des systèmes hybrides qui optimisent l’autoconsommation, déplacent la production vers des créneaux horaires plus rentables et soutiennent le réseau quand il en a le plus besoin. Cette solution intégrée est particulièrement attractive pour les secteurs commercial et des services publics, où les clients cherchent de plus en plus à se protéger contre la volatilité des prix et les réductions de production. Il est important de noter que les prix négatifs ne signifient pas que nous avons trop d’énergie solaire, mais plutôt que nous manquons de flexibilité. La Commission européenne et les gouvernements nationaux en ont conscience, et nous voyons désormais des évolutions encourageantes : de nouvelles enchères de capacités, des incitations pour les projets hybrides et des politiques de soutien au réseau sont mises en place partout en Europe. Avec notre portefeuille, nous sommes bien placés pour répondre à ces nouvelles demandes et offrir une voie viable sur ce marché en évolution.
pv magazine : La demande en stockage d’énergie a-t-elle augmenté récemment ?
Frank Niendorf : Absolument. Nous avons observé une hausse significative de la demande en stockage d’énergie partout en Europe, et pas seulement en Allemagne. Actuellement, nos systèmes de stockage sont complètement vendus, et nous augmentons rapidement nos capacités et nos partenariats pour répondre à cette demande croissante. Cette tendance est portée par une combinaison de facteurs : la volatilité des prix, une meilleure prise de conscience des enjeux de sécurité énergétique et des signaux politiques clairs dans plusieurs marchés européens. Le stockage n’est plus perçu simplement comme un moyen de réduire les pics de consommation ou de stocker l’excédent photovoltaïque. Il est désormais largement considéré comme une infrastructure essentielle pour le futur système énergétique.
pv magazine : Pouvez-vous donner quelques exemples ?
Frank Niendorf : L’Italie encourage les projets hybrides combinant solaire et stockage à travers son cadre d’incitation FER2. L’Espagne réforme son système d’enchères et d’accès au réseau pour récompenser la flexibilité. La France et les Pays-Bas enregistrent un fort intérêt commercial, notamment pour gérer les tarifs de pointe et assurer une alimentation de secours. La Pologne, la Hongrie et d’autres marchés d’Europe centrale et orientale mettent en place des mécanismes de soutien pour les énergies renouvelables couplées au stockage. De notre point de vue, le stockage est clairement entré dans le courant dominant. Les utilities, les producteurs indépendants et les opérateurs commerciaux le voient tous comme un élément central de leur stratégie énergétique. Chez Jinko, nous avons identifié cette tendance tôt, c’est pourquoi nous proposons désormais des solutions intégrées combinant photovoltaïque et stockage, adaptées à ces nouvelles réalités.
pv magazine : Quel secteur en Allemagne présente selon vous le plus fort potentiel de croissance ?
Frank Niendorf : Le secteur commercial et industriel en Allemagne offre le plus grand potentiel de croissance. Partout dans l’économie, les entreprises, des PME aux grandes multinationales, donnent la priorité à l’autonomie énergétique, à la maîtrise des coûts sur le long terme et à la neutralité carbone. Le solaire, surtout combiné au stockage, répond à ces trois objectifs. La volatilité des prix de l’énergie ces dernières années a poussé de nombreuses entreprises à revoir leur stratégie d’approvisionnement. L’énergie est de plus en plus considérée non pas comme une simple commodité mais comme un actif stratégique. Avec la baisse des coûts de la technologie TOPCon et la disponibilité croissante de solutions de stockage commercial, l’argument économique en faveur du solaire pour les entreprises n’a jamais été aussi solide. Nous voyons aussi un énorme potentiel inexploité dans la rénovation des toitures commerciales existantes, dont beaucoup sont sous-utilisées. Les réformes à venir, notamment le Solar Package 1 en Allemagne et les simplifications des procédures d’autorisation à l’échelle de l’UE, vont libérer encore plus de dynamique dans ce segment.
pv magazine : Comment se comporte le marché européen dans son ensemble ?
Frank Niendorf : À travers l’Europe, le segment commercial et industriel est désormais la partie du marché solaire qui croît le plus vite, dépassant même le résidentiel dans de nombreux pays. En Espagne et au Portugal, les tarifs élevés en journée incitent les entreprises à installer du photovoltaïque pour l’autoconsommation. La France développe des programmes pour les bâtiments tertiaires, et des pays comme l’Autriche et la Belgique renforcent les incitations pour le solaire dans les zones logistiques et commerciales. Dans le même temps, les entreprises subissent une pression croissante de la part des investisseurs, des régulateurs et des partenaires de la chaîne d’approvisionnement pour décarboner leurs activités. Le solaire sur site et le stockage font partie des outils les plus visibles et les plus rentables pour y parvenir. De notre point de vue, il est clair que les clients ne cherchent plus seulement du matériel. Ils veulent des solutions rentables et complètes : des modules haut rendement, des systèmes de stockage intégrés, une surveillance intelligente et un service fiable. C’est exactement ce que propose JinkoSolar.
pv magazine : Quelle importance revêt une position forte sur les marchés allemand et européen pour JinkoSolar par rapport à la Chine ? Comment évoluent la demande et les prix là-bas ?
Frank Niendorf : L’Allemagne et l’Europe dans leur ensemble sont des marchés stratégiques de transition photovoltaïque essentiels pour Jinko. Ces régions valorisent la qualité, la fiabilité et les partenariats à long terme, des valeurs totalement alignées avec notre marque. L’Europe sert aussi de hub d’innovation et de politiques, ce qui nous permet de rester à la pointe des nouvelles tendances en matière de décarbonation et de digitalisation. Le marché chinois continue d’être le principal moteur de croissance du marché photovoltaïque mondial, avec des volumes d’installation stables et en hausse. Malgré cette forte demande en Chine, l’industrie traverse une phase de surcapacité très difficile, qui doit finalement conduire à une consolidation du secteur tant attendue. Les prix des modules sont à des niveaux historiquement bas. Le prix actuel du marché des modules est bien en dessous des coûts de production réels pour de nombreux fabricants, ce qui n’est pas viable. Avec plus de 1 TW de capacité de production pour environ 600 GW de demande annuelle mondiale, ce déséquilibre exerce une pression énorme sur l’industrie. Une consolidation est urgemment nécessaire, et je m’attends à ce que des opérations de fusion-acquisition aient lieu prochainement sur l’ensemble de la chaîne de valeur, ce qui réduira le nombre d’acteurs et contribuera à stabiliser les prix avec le temps.
pv magazine : Nous entendons parler de changements majeurs en Chine, affectant à la fois la le déploiement des systèmes photovoltaïques et l’industrie liée. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Frank Niendorf : Oui, la Chine connaît une transformation stratégique de sa transition photovoltaïque à la fois sur le déploiement et la fabrication dans l’industrie solaire. Du côté politique, le gouvernement réévalue la structure des incitations nationales pour éviter la surcapacité et améliorer l’efficacité du système. Du côté industriel, des efforts sont faits pour limiter l’excès d’offre, encourager la consolidation et promouvoir les technologies de nouvelle génération et les normes de durabilité. C’est une évolution saine et nécessaire. Une industrie solaire plus équilibrée et axée sur la technologie profitera à tous, des fabricants aux utilisateurs finaux. Chez Jinko, nous soutenons les réformes qui contribuent à un secteur solaire plus stable, de haute qualité et compétitif à l’échelle mondiale.
pv magazine : Préparez-vous déjà la prochaine phase avec vos produits ?
Frank Niendorf : Du côté des produits, nous restons très confiants dans notre technologie TOPCon de type n, surtout avec l’introduction de notre nouveau produit phare, le Tiger Neo 3.0, lancé au salon SNEC. Ce module TOPCon de troisième génération offre un rendement de cellule de 26,7 % à 27 %, une puissance de sortie de 650 W à 670 W par panneau et un facteur bifacial d’environ 85 %. La production a commencé en juin, et nous augmentons nos capacités pour une disponibilité en masse au troisième et quatrième trimestres 2025. Parallèlement, nous investissons aussi dans les technologies de prochaine génération. Nous testons actuellement une architecture tandem pérovskite/TOPCon, qui a déjà dépassé les 34 % de rendement en environnement de laboratoire certifié. Bien qu’encore en R&D, ces technologies sont très prometteuses et pourraient représenter le prochain bond en avant en termes de performance des modules. En attendant, nous développons aussi notre portefeuille de stockage d’énergie, renforçons nos capacités de conception de systèmes hybrides et accompagnons nos clients européens avec des solutions intégrées et bancables. Le marché évolue, et nous aussi.